Discours accompagnant la présentation de M. Jérôme Coulon, Directeur régional CEDEAO/CEMAC de Zetes, lors de la séance plénière de la 5ème édition d’ID4Africa, le 18/06/2019 à Johannesburg, Afrique du Sud


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Mesdames, Messieurs, 

Permettez-moi tout d’abord de remercier les organisateurs d’ID4Africa pour cette 5ème édition qui, avec son thème « Écosystèmes d’identité pour la prestation de services » veut replacer le débat sur les services.

Je voudrais néanmoins compléter ce thème en y ajoutant deux notions que nous devons absolument garder au centre de nos travaux :

  • la notion de services PUBLICS et 
  • la notion de CITOYENS.

Il doit bien s’agir de mettre en place un écosystème d’identité permettant l’amélioration des services publics aux citoyens.

Il faut quitter la notion de Know Your Customer pour rentrer dans la notion de Know Your Citizen, voire Know Your Resident ou Know Your Population.

Notre rôle à toutes et tous dans cette salle, n’est pas de déployer des solutions d’identification des personnes. L’identification n’est pas une fin en soi, ce n’est qu’un moyen pour atteindre un objectif plus grand : l’amélioration de la société civile dans laquelle nous vivons et, ce, pour chacun de ses citoyens.

Par quoi passe cette amélioration? Par des services publiques plus performants, mieux adaptés aux besoins de la population. Mieux adaptés au besoin de la population? Très bien, mais quels sont ses besoins? Quelle est cette population? Quelles sont ses caractéristiques?

Voilà les questions pour lesquelles nous devons aider le pouvoir public à trouver des réponses.


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Notez également l’utilisation du terme Identité et non Identification. Nous parlons bien d’un écosystème d’identité. Constituer une base de donnée nationale d’identification des personnes physiques vous permet de distribuer des identifiants uniques à toutes ces personnes physique pour ensuite pouvoir les authentifier soit lors de contrôles de sécurité (contrôle de police, contrôle aux frontières, contrôle des flux migratoires, etc.), soit lors de transactions de vérification, avec toute une panoplie d’applications dans le secteur public et privé et, notamment, le secteur financier.

Mais l’identité des personnes qui composent une population va bien plus loin que cette identification. Leurs besoins vont bien plus loin que le fait de pouvoir s’authentifier lors de certaines transactions.

Certains me diront : «Oui, mais, une fois que la personne est identifiée, elle peut prétendre bénéficier d’une aide sociale, par exemple». OK, mais quelle aide sociale? De quoi a besoin cette personne? Seul l’écosystème d’identité dont nous allons parler ici peut répondre à cette question.

Les Hommes, au sens large, vivent, meurent, se marient, ont des enfants, tombent malade, vont à l’école, créent une entreprise, trouvent un emploi, deviennent des travailleurs, des membres de la population active, ou des laissés-pour-compte, des démunis, qui sont les plus précarisés et les plus nécessiteux. Toutes ces personnes vieillissent et requièrent une assistance particulière. Toutes ces informations qui permettront réellement à l’Etat d’améliorer son offre de services publics aux citoyens ne se trouve pas dans une base de données nationale d’identification des personnes physiques.

L’Identité est complexe, elle a de multiples facettes et nécessite la mise en place d’un véritable écosystème pour bien la percevoir.


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Un Registre National d’Identification des Personnes Physiques, seul, ne contient que des données statiques et non relationnelles: il reprend quelques données biographiques, quelques donnée biométriques et un identifiant unique.


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À contrario, un Registre d’état civil contient des données dynamiques et relationnelles. Il s’agit d’une base de données qui vit au même rythme que les citoyens. L’Ecosystème d’identité national, si on veut que ce soit plus qu’un outil d’identification, doit reposer, en premier lieu, sur l’état civil.

L’état Civil existe, il est là, il est la fondation évidente de cet écosystème d’identité, c’est quasiment sa raison d’être. Pourquoi se lancer dans des grandes campagnes de recensement, indépendamment de l’état civil?


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Au niveau de l’Etat, cet Ecosystème d’identité doit avoir un portail, une plateforme d’échange; il s’agit du Registre de population, fondé sur l’état civil et tous les autres systèmes d’information sectoriels spécifiques disponibles. Si l’Etat, un citoyen, un acteur du secteur privé, un hôpital, une école, etc. cherche à en savoir plus sur un autre membre de la population, elle s’adresse au Registre de Population; bien sûr, dans la limite de ses droits d’accès à l’information, selon son profil d’utilisateur. C’est le Registre de population qui se charge de faire le lien entre les différentes informations relatives au citoyen, disponibles dans les différents systèmes d’information, à commencer par le Registre d’état civil.


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Quand le Ministère de l’Education souhaite collecter des informations relatives à un étudiant, par exemple, il lui demande sont identifiant unique ou son empreinte digitale ainsi que toutes les informations spécifiques qu’il souhaite recueillir: dans quelle école est-il inscrit? En quelle année d’étude? etc.

Le reste des informations, si le Ministère souhaite les obtenir, proviendra du Registre de population qui ira les demander dans les systèmes d’information sectoriels spécifiques relatifs: nom, prénom, date de naissance, nom des parents, frères et sœurs,…? Est-ce que les parents sont inscrits comme travailleurs? Quel est le revenu du ménage? etc. Dans l’autre sens, si le Ministère en charge du développement des politiques de filets sociaux souhaite savoir si tel ou tel enfant est scolarisé, il ne va pas mener sa propre enquête et son propre travail de collecte d’information, qui s’avèrerait trop coûteux. Il va s’en référer au Registre de population qui, lui-même, s’en réfèrera au système d’information spécifique du Ministère de l’Education.

Chaque autorité de l’Etat gère son propre système d’information spécifique, lié à la compétence et au rôle régalien qui lui est conféré. Ainsi, chacun contribue à alimenter une source d’information unique et authentique. À aucun moment l’information n’est copiée ou dupliquée. Le Registre de population agissant comme plateforme d’échange de mise en commun de ces informations.

Forcément, le premier fondement de cet écosystème, de cette plateforme d’échange, c’est l’état civil. C’est lui qui, le premier, doit créer l’existence du citoyen. Ou, dans le cas d’un ressortissant étranger, le Registre des résidents étrangers.


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Comment? Comment financer cette vaste entreprise? Par où commencer?

Au risque d’utiliser une métaphore facile, comme pour gravir n’importe quelle montagne, il faut commencer en bas. Sans vouloir atteindre le sommet avant d’avoir même commencé sur le chemin dans la vallée.

En acceptant aussi qu’il n’existe pas d’autre solution. Il ne faut pas chercher de moyens détournés, continuer à investir beaucoup de temps, d’énergie et d’argent dans des sentiers parallèles qui ne vous mèneront jamais au sommet de la colline « état civil ». Il faut concentrer tous ses efforts sur le fait d’atteindre cet objectif.

Cela passe inévitablement par…


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La volonté politique.

Depuis des années, Dr. ATICK l’a rappelé dans son discours d’ouverture, les technologies existent, les solutions sont connues, les chemins à emprunter sont là… et pourtant ! Nous voilà à la 5ème édition d’ID4Africa, 5 ans plus tard, et l’informatisation de l’état civil, dans la majorité des pays du Continent, en est toujours au même point.

Chaque année, on continue à recenser les électeurs, recenser les policiers, recenser les artisans, recenser les fonctionnaires, recenser les indigents, etc.

Chacun fait son projet de recensement, dans son coin, sans se soucier de savoir si quelqu’un d’autre l’a déjà fait ni sans se soucier beaucoup de pérenniser ce travail de collecte d’information dans le temps; c’est-à-dire, le rendre permanent et évolutif.

Tant qu’il n’y aura pas une décision et un sponsor, au plus haut niveau de l’Etat, chacun continuera à mener ses projets de son côté.

Nous parlons de la mise en place d’un Ecosystème d’identité à l’échelle nationale afin d’améliorer tous les services publics et toutes les politiques de l’Etats à l’endroit de tous les citoyens.


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Une fois que la volonté politique est là, que le sponsor au plus haut niveau de l’Etat est là, il faut commencer. Le mieux est l’ennemi du bien. Dans un premier temps, le système mis en place sera incomplet et perfectible, bien sûr, mais il faut commencer.

Et il faut commencer avec l’état civil. Prendre les dizaines de millions de dollars investis chaque année dans des projets de recensements spécifiques et les investir dans l’informatisation de l’état civil. Commencer par les déclarations de naissance.

Tout le monde s’arrache les cheveux sur la question de la reprise de l’existant, sur la manière de digitaliser le Registre d’état civil existant. Et si on commençait simplement par arrêter d’alimenter ce registre papier existant à chaque nouvelle naissance?

L’informatisation de l’état civil débute par l’installation d’ordinateurs dans les centres d’état civil. Excusez-moi d’être aussi terre-à-terre mais il le faut; il faut arrêter de regarder le sommet de la colline et se concentrer sur le début du chemin qui se déroule devant nos pieds.
Que dorénavant, chaque nouvelle naissance, au niveau national, soit enregistrée dans un état civil informatisé. Commençons déjà par arrêter d’alimenter le registre papier. Ça me semble un bon début pour l’informatisation de l’état civil.

Il n’existe pas de raccourci, pas de solution rapide pour la mise en place de ce Registre de population, de cet écosystème d’identité national. La constitution d’une base de données nationale d’identification des personnes physiques, si elle n’est pas associée à l’informatisation et la centralisation de l’état civil, n’est pas un bon départ. C’est faire un travail qu’il faudra refaire et refaire et refaire encore. Alors que l’état civil est là et ne demande qu’à être utilisé pour servir de fondement au Registre de population.

Il faut arrêter de vouloir tourner autour de l’état civil. Si on est capable de déployer des milliers de kits mobiles et de centres provisoires à travers le pays pour constituer une base de données nationale d’identification des personnes physiques, on est aussi capable d’équiper les centres d’état civil de matériel informatique. D’autres proposent même de créer des nouveaux centres permanents d’enrôlement de la population… mais pourquoi? C’est le rôle de l’état civil et l’état civil est là. Pourquoi ne pas lui donner les moyens, à lui? Il faut arrêter de vouloir éviter l’état civil.

Commençons par enregistrer les nouvelles naissances dans un état civil informatisé; ensuite, petit à petit, à chaque mariage, à chaque décès, à chaque naissance, à chaque fait d’état civil, profitons-en pour digitaliser l’existant. On pourrait même imaginer reprendre l’idée de la campagne nationale de recensement mais de la mener au travers de l’état civil. De la même manière que vous demanderiez à chaque citoyen de bien vouloir se présenter au centre d’enrôlement pour la constitution de la base de donnée nationale d’identification des personnes physiques, vous lui demandez de bien vouloir se présenter auprès du centre d’état civil le plus proche de chez lui afin de bien vouloir mettre à jour son dossier.

La distance à parcourir pour se rendre dans un centre d’enregistrement et les coûts qui y sont associés constituent souvent un frein à la motivation des citoyens.  Pour réduire ces barrière, nous proposons d’organiser des campagnes foraines de mise à jour de l’état civil: petit-à-petit, des fonctionnaires ou des officiers d’enrôlement passent dans chaque village, auprès du chef traditionnel, et vous battez le rappel dans tous les foyers.

Tout doit passer par l’état civil, il faut arrêter de vouloir contourner l’état Civil. Tant que vous demanderez aux prestataires de services de vous accompagner dans des recensements ponctuels, nous le ferons, nous ne sommes pas à la base de la formulation du besoin. Nous pouvons donner notre avis, lors d’événements comme celui-ci mais, par après, nous ne pouvons que répondre aux appels d’offre que vous émettez. 


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Comment financier cet Ecosystème d’identité national? Comment financer cette plateforme d’échange d’information, ce Registre de population? Pour commencer, parlons du financement de l’informatisation de l’état civil. Tout d’abord, rappelons-nous que nous parlons de l’amélioration des services publics aux citoyens. Cet écosystème est un service public. Quasiment par définition, il ne doit pas être rentable. Ou plutôt, sa rentabilité doit se chercher et se trouver dans l’amélioration de la gestion de l’Etat, des politiques de l’Etat, des relations de l’Etat avec les citoyens et la population de manière générale.

Si certaines transactions liées à cet écosystème peuvent générer des revenus, très bien. Mais cela ne doit, en aucun cas, devenir l’objectif principal de la mise en place de l’écosystème. Il s’agit, en premier lieu, d’améliorer la délivrance de services publics aux citoyens. Le retour indirect pour les caisses de l’Etat, quoique difficile à mesurer, devrait largement dépasser l’investissement. 

Comment? Pour commencer, en centralisant l’effort de constitution de cet écosystème, une bonne fois pour toutes, sur la modernisation et l’informatisation de l’état civil.
Il faut mutualiser les dizaines de millions de dollars dépensés ici et là, chaque années, dans des projets ponctuels et spécifiques de recensement de population et les injecter dans l’informatisation de l’état civil et la mise en place du Registre de population, la plateforme d’échange d’informations.

Ensuite, à moyen terme, les budgets que l’Etat consacre aux différentes politiques sociales, démographiques, économiques, etc. seront bien mieux calibrés et efficients. Ce retour-là, certes difficile à chiffrer, sera considérable.

Gérer une population sans un état civil digne de ce nom, c’est comme vouloir naviguer sans boussole. Le retour sur investissement de la boussole vient du fait que vous serez en mesure de ne pas vous perdre, de choisir les meilleurs routes. Il en va de même pour l’état civil et la gestion de l’Etat. Il faut être bien informé pour prendre des décisions pertinentes. Là se trouve le retour sur investissement.


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Rappelez-vous que chaque personne, avant d’être un électeur, avant d’être un travailleur, avant d’être une femme, un homme, un enfant, un indigent, un vieux, etc., est un citoyen de l’Etat.

Il faut mutualiser l’effort de l’Etat pour connaître ce citoyen et adresser ses besoins.
Cela passe par un Registre de population solidement ancré sur un état civil performant et des systèmes d’information sectoriels spécifiques qui se concentrent sur leur expertise.

Par exemple, contrairement à ce que l’on pourrait croire au vu des actualités du Continent, le rôle d’une commission électorale n’est pas de recenser les électeurs, ni de constituer un fichier électoral. Le rôle d’une commission électorale est d’organiser les élections. En l’absence d’un Registre de population fiable reposant sur un état civil informatisé, la commission électorale se retrouve, tous les 2-3 ans, à devoir dépenser des millions de dollars pour mettre à jour le fichier des électeurs. Quel gaspillage !


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Il s’agit également de mutualiser les infrastructures. Le citoyen n’a pas besoin de parler avec le Ministère du Transport, ou le Ministère de l’Intérieur, ou la Commission électorale, ou le Ministère des Affaires sociales.


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Le citoyen parle à l’Etat. Le citoyen a besoin d’un guichet unique qui représente l’Etat. Le citoyen sait que, s’il se présente à ce guichet unique, l’Etat sera là pour lui.
Derrière ce guichet unique se trouve bien sûr la machine de l’Etat. Selon la demande formulée par le citoyen, celle-ci sera dirigée vers l’une ou l’autre des entités de l’Etat. La notion de guichet unique est fondamentale à la rationalisation des relations entre l’Etat et le citoyen. Et ces guichet uniques existent. Selon l’organisation géopolitique du pays, il pourra s’agir de la Mairie, de la maison communale, de l’hôtel de ville, où d’une autre entité.
Il s’agit d’informatiser ces guichets uniques existants plutôt que de vouloir en créer d’autres, parallèlement.


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En principe, vous avez tous reçu notre livre blanc traitant du sujet que je viens d’aborder. Dans tous les cas, les deux sont en téléchargement libre sur notre site internet. Je vous invite vraiment à les lire. Il ne s’agit pas de documents de propagande commerciale mais bien de véritables documents de réflexion de fond.


Slide 15:

Si vous restez sur votre faim après mon intervention et que vous souhaitez rentrer un peu plus dans la technique de la question, je vous invite à assister à la présentation de mon collègue, Dr AKPOTSUI, notre expert-maison qui n’est autre que l’auteur des livres blanc que je viens de mentionner.


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Pour résumer:

Notre objectif doit être d’améliorer les services publics au citoyens. Arrêtons de vouloir contourner l’état civil en essayant de trouver d’autres pistes qui n’en sont pas.
Commençons quelque part, commençons par informatiser les centre d’état civil. Arrêtons de refaire des dizaines de fois la même chose. Travaillons sur base de sources authentiques d’information, sans duplication. Que chacun se concentre sur son domaine de compétence.
L’existence d’une personne, sa naissance, sa vie, sa mort, c’est la compétence de l’état civil.


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Merci.

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Au coeur du registre de population

Enjeux, analyse et approche 44 pages

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